Abruti, la transhumance et les amis
Voici un texte sur la transhumance solidaire, que nous aimons beaucoup, écrit par notre ami du réseau social Bruno Bordier venu à cette occasion nous rencontrer et participer...
Témoignage
"Coureuse ! Allez courage. Abruti ! Allez mon garçon, on regagne le troupeau".
C'est le discours que j'ai découvert dimanche. Tout d'abord début de la ballade avec Ethan et Tina derrière le troupeau puisque Ethan est en vélo et qu'à 7 ans, il a toute sa place dans le groupetto qui suit la transhumance mais absolument rien à faire plus haut et c'est très bien ainsi, c'est l'occasion pour lui de prendre le soleil et de passer un agréable moment, on discute, on rit, on découvre..
Peu à peu, le rythme se ralentit, devient moins saccadé, et nous nous rapprochons du troupeau. Le long des cordes, les accompagnateurs sont un peu moins nombreux, il faut dire que c'est parti vite, sur le rythme endiablé de bêtes encornées diablement rustiques mais tellement franches du collier. A l'arrière, le taureau Abruti commence à peiner, il faut dire que déplacer 850 kilos sous un soleil de plomb n'a rien de facile. Il bave, il sue, il dodeline de la tête, il s'accroche tel l'amoureux transi que ces dames malmènent, comme un samedi après midi de soldes dans une rue commerçante. Abruti, en bave, de plus en plus. Que je comprends cette douleur silencieuse!
Benoit Biteau décide de rallonger les cordes pour laisser une chance aux dernières bêtes de suivre la cadence. Je me retrouve alors en dernier de cordée, à voir comment Benoit coach son reproducteur. Un peu de bâton, beaucoup de voix, et pas mal de poussettes, on se croirait presque sur une étape de montage du tour, du vrai celui de l'imaginaire. Puis arrive l'entrée dans un bois, on doit être aux deux tiers du parcours, un dernier encouragement "allez ça descend, recolle vite, parce que ..." Benoit ne finit pas sa phrase, mais le taureau l'a compris, après ca monte. Alors il accélère, le poids du mâle aide en descente, mais au premier mètre de montée, il sent qu'ici il fait plus frais dans ce petit bois et rien qu'une corde pour l'empêcher de se poser, c'est décidé, Abruti ne fera pas un pas de plus, et son seul effort est de passer le fossé pour se mettre sous un arbre. Très vite, Benoit, Nathy tentent de le faire regagner le troupeau, jeu de cache-cache dans les ronces, et il faut conclure, on ne pourra pas l'emmener plus loin. Une corde trouvée, on joue à chat glacé dans une partie endiablée et le Taureau est enfin attaché à un arbre le temps d'un aller retour express pour libérer le van, les veaux attendront leur maman au pré, risque qu'il faut prendre pour ne pas faire trop durer la fugue du taureau.
Le van arrive enfin, et début de la lutte pour faire monter Abruti dans la bétaillère. Pas simple, il faut qu'il comprenne qu'on ne lui demande plus de marcher mais juste de coopérer, on s'y prend à 4 ou 5, on l'encourage, on essaie de le commander on sollicite sa coopération, le bâton est là pour lui faire surmonter ses réticences, car il est bien fatigué, le fier mâle, la voix est là pour le pousser à faire cet effort. Une corne coincée dans un arbre, un petit tour autour d'un arbre, un nœud mal à propos sur la corde et on se trouve face à face. De son œil grand ouvert, Abruti me regarde, même pas énervé par mon maillot si rouge, je m'échine à essayer de le ramener vers le plan incliné qui mène à la bétaillère, benoit l'encourage et là Abruti compatit, il fait le premier pas sur la pente de la bétaillère, il aurait put ne rien en faire, c'est pas mes 70 kilos tout mouillé qui aurait pu le contraindre, mais comme on est tout deux assez pacifiste et de bonne volonté, il m'offre ce moment de camaraderie pour ne pas me laisser faire des efforts inutiles. Le reste du voyage se fera en voiture.
Arrive l'heure du repas, puis de la sieste, l'herbe est confortable et l'ombre sympathique, il fait chaud et on est bien mieux au pied d'un arbre. Un moment qui marque, Ethan a vu de prêt ses premières vaches, ses premiers baudets, il attendra demain pour caresser les chèvres et voir la traite, c'est simple ici et pourtant cela demande tant de savoirs pour que justement ca paraisse simple et naturel. Rotation de pâturage, réflexe conditionné, et pleins d'autres termes que Benoit aborde rapidement, Ethan ne s'en doute pas, ca parait simple et pourtant toute chose est réfléchie et pas faite au hasard. Etre paysan, c'est façonner le pays, c'est ce que je tenterai de lui expliquer peu à peu. "la ferme c'est nul" me dira t il, parce que la journée a été longue et qu'il est fatigué mais dès le lendemain il racontera à la maitresse son histoire, et puis c'est l'occasion de dire un gros mot qui n'en est pas un, puisque c'est le nom du taureau...
Remerciements à tous, photos de" images et émotions"
La suite du récit par le journaliste reporter de la slow info Gilles Luneau, dans son Global Magazine... ici :
extraits : "
Marais, maraîchine
Voilà une bien jolie histoire, celle d’un couple, les Bénier-Coutant, créant une réserve naturelle régionale privée – la Massonne - et celle de leur rencontre avec un paysan bio, Benoit Biteau, installé à douze kilomètres. Cela se passe en Charente maritime, entre la Gripperie-Saint Symphorien et Sablonceaux. Je vous conte l’affaire en deux parties : ci-dessous, un résumé du lieu et des acteurs et le carnet de marche d’un dimanche ensoleillé tout à la fois par l’astre de jour, les personnes et les animaux participant à « la transhumance des maraîchines » de la ferme du paysan à la réserve naturelle.
C’est l’histoire d’une belle rencontre. D’un côté Roselyne Coutant et Jean-Michel Bénier, devenus propriétaires, en 1997, d’une centaine d’hectares de marais, en Charente maritime, au creux d’un pli de terrain inattendu dans ce pays plat comme la main où la mer peut d’un coup de colère reprendre son niveau de l’an 1000. Une dépression verdoyante de pâtures clôturées par des chênes pédonculés, des saules, des frênes, des hêtres … et des canaux. Du bocage comme sur les cartes postales des années 50, les parfums en plus. Roselyne et Jean-Michel, leur truc c’est la nature. Leur premier réflexe est donc de la laisser faire et de décréter que leurs terres deviennent « réserve naturelle »."(...)
http://www.globalmagazine.info/carnets-de-route/2014/06/10/dans-les-yeux-dune-maraichine-1402356506
Dans les yeux d'une maraîchine
Ce dimanche de Pentecôte, nous avons rendez-vous à la ferme de Benoit Biteau, à Berthegille, sur la commune de Sablonceaux, en Charente maritime, à un coup d'aile de mouette de Marennes. Le troupeau de maraîchines de la ferme du Val de Seudre part ce matin en transhumance. Voici, dans les pas des maraîchines, le carnet de bord cette matinée singulière.
7h30.
Le soleil brille, le ciel est bleu, l’herbe est verte. Un temps de vaches et même d’herbivores. A grandes enjambées, Benoit Biteau revient de la traite de ses chèvres poitevines. Elles ne lui laissent pas beaucoup de lait en ce moment, les chevreaux sont gourmands. C’est aussi pour ça qu’il y a des saisons chez le marchand de fromage de chèvre. Parce que les chèvres font du lait quand elles font des chevreaux et que les chevreaux sont pendus à leurs mamelles. Les amateurs de chabichou passent après.
7h45.
Les premières automobiles arrivent à la ferme du val de Seudre. Pantalons ou bermuda de marcheur, chaussures de marche, havresac, chapeau, les ouvriers agricoles d’un jour ont des airs de trekkeurs.
8h.
Benoit distribue des bâtons de marche. Il semble en avoir pour tout le monde. On l’imagine sortant le couteau à chaque fois qu’il voit une tige de noisetier bien droite dans une de ses haies. Le bâton, ça vous plante sa personne. Les citadins s’appuient dessus en prenant un tantinet la pose, genre dandy qui s’ignore mais s’installe en 3D dans le paysage. Les paysans s’y accoudent en se déhanchant façon c’est toujours ça de pris pour soulager les reins.
(...) suite ici : http://www.globalmagazine.info/carnets-de-route/2014/06/11/dans-les-yeux-dune-maraichine-1402442822
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