Benoît Biteau, paysan agronome

Benoît Biteau, paysan agronome

Rémi Fraisse - 10 ans...

Rémi Fraisse - 10 ans...
Le 26 octobre dernier, 10 ans après la mort de Rémi Fraisse, je revenais à Sivens, la boule au ventre, la gorge serrée, les larmes aux yeux, commémorer l'irréparable auprès de ses proches, de sa maman, qui au cours de ces longues années ont engagé des actions en justice pour obtenir la reconnaissance d’un acte intolérable, inacceptable de la part de ceux censés prendre en charge notre sécurité.
10 ans au cours desquels des décisions de justice couvrant des gestes criminels n’ont fait que rajouter de la douleur à la douleur.
Il aura fallu 10 ans pour qu’enfin la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, “condamne la France pour violation du droit à la vie”, permettant enfin, sans effacer le drame irréparable, aux parents et aux proches de Rémi, de pouvoir engager le deuil.
Mes premières pensées vont bien sûr vers les parents de Rémi qui ont vécu l’épreuve ultime de la perte d’un enfant et qui vivent cette décision comme un soulagement. Malgré cette situation tragique, sa maman est restée engagée, impliquée pour que les combats écologiques ne fassent plus l’objet de répressions criminelles, pour que des jeunes comme Rémi, qui ne font que réclamer la préservation de leur avenir, ne perdent plus la vie.
Ces recours en justice, portés par des militants engagés dans la protection de la nature et de l’environnement permettent, en raison de décisions faisant jurisprudence, de faire ainsi évoluer le droit, renforce la notion d’état de droit, et légitime l’état de nécessité pour les luttes écologistes.
La victoire aujourd’hui sur l’A69 constitue un autre immense motif de satisfaction et renforce ce constat.
A titre personnel, m’étant impliqué dans la lutte contre ce projet de barrage, et ayant vécu comme une profonde blessure la mort de Rémi, je dois vous concéder un profond soulagement.
Mais au-delà des errances de la justice de ce pays, qui doit se faire rappeler à l’ordre par une cour de justice européenne, ces gouvernements successifs ont-ils tiré enseignement de cette tragique soirée du 26 octobre 2014?
Autour des mêmes enjeux, de préservation du climat, de la biodiversité, de la santé, des ressources vitales, comme l’eau et l’air, des zones humides, les écologistes, avec leur approche visionnaire, continuent de tenter de préserver l’avenir des générations futures. Et de leur côté, les chemins de décision de maintien de l’ordre continuent de maltraiter des citoyens qui ne sont soucieux que de l’intérêt commun.
A Sainte Soline comme à Sivens, la mobilisation disproportionnée des forces de l’ordre visait à protéger des chantiers, condamnés par la justice, dénoncés par la communauté scientifique, et pourtant très lourdement financés par de l’argent public, et surtout où il n’y avait absolument rien à détruire, à dégrader. Juste une répression aveugle de citoyens, contribuables réclamant le bon usage de l’argent public, le respect de l’expertise scientifique, des décisions de justice, et un juste partage de l’eau conformément aux réglementations en vigueur.
A Sainte Soline comme à Sivens, un mort et des dizaines de blessés auraient pu être évités, si ces constats fondamentaux avaient été pris en compte.
A Sainte Soline comme à Sivens, la défense insensée des intérêts privés d’une minorité a primé sur l’intérêt commun et une vision à long terme.
A Sainte Soline comme à Sivens, cet acharnement dans l’erreur conduit les observateurs extérieurs comme ceux de la Ligue des Droits de l’Homme, Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l'environnement au titre de la Convention d’Aarhus, a considérer ces stratégies comme des dérives autoritaires.
Alors ce soir, j’ai envie de m’adresser à Rémi, lui dire qu’on ne l’a pas oublié, qu’il nous manque terriblement, que nous continuons à prolonger son engagement, ses combats, et que modestement, humblement, nous tentons d’être dignes de la vie qu’ils t’ont brutalement, injustement retiré.
Dans mes champs en agroforesterie, un arbre planté en ta mémoire continue de pousser silencieusement, pour que vive définitivement la mémoire d’un jeune militant écologiste défendant de très nobles causes, et à qui la vie a été injustement volée.
 
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Benoît Biteau, paysan bio et Député écologiste de la 2ème circonscription de Charente-Maritime, ex Député Européen et Vice-Président de la Région Poitou Charente, ex Conseiller Régional de Nouvelle Aquitaine.
 
27 février 2025.


27/02/2025
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